L'affaire Onclusive
Avez-vous suivi l’affaire Onclusive ? Vous auriez dû, car elle préfigure ce que nous allons vivre d’ici quelques mois / année et elle souligne notre manque de préparation.
Plan social
Onclusive est une société américaine spécialisée dans les médias et la communication dont la branche française compte 447 salariés.
Mi-septembre elle annonce un plan de licenciement pour 209 de ses salariés remplacés par une IA. Fin de semaine dernière elle annonce faire machine arrière et repousse son annonce de plan à décembre. Grande victoire selon les politiques (qui s’y sont intéressé) et les syndicats. Bilan mitigé selon Matthieu Moreau.
Pour la suite je ne parlerai pas de considération éthique, juste un constat et une anticipation de ce qui va se passer dans les 5 prochaines années. (Je ne parlerai pas non plus du style de communication du patron de la boite, qui a annoncé les licenciements en visio, en commençant avec une photo … de son chien).
Onclusive fait partie de ces entreprises qui évoluent sur un secteur “intellectuel” et qui a besoin d’une grande part de cerveaux humains pour délivrer leurs services. Avec un taux d’industrialisation à 13.5%, des entreprises comme Onclusive, il y en a plein en France (un des pays les moins industrialisés d’Europe). Manque de pot, c’est justement ce type d’activité qui est facilement automatisable avec des IA génératives comme GPT. Onclusive fait des revues de presse spécialisées pour ses clients ? Une fois qu’on a les bonnes sources de données (la presse ici), c’est quelques lignes de code, et quelques bons cerveaux humains pour produire un résultat équivalent (sans exagération aucune).
La suite est logique. Onclusive développe(*) une IA qui va pouvoir faire le même travail que ses salariés, pour 10 / 100 / 1000 fois moins cher, et elle choisit (doit) se séparer d’une (grande) partie de ses salariés. Pourquoi ? Car il ne faudrait que quelques semaines pour créer un concurrent qui vendra ses services 10 /100 / 1000 fois moins cher aux mêmes clients, qui, arrêtant leurs contrats avec Onclusive, mettant en danger de faillite la société (et donc en danger ses salariés - vous voyez où je veux en venir).
Si on regarde la situation d’Onclusive sous l’angle du pragmatisme, je pense que cette société n’a pas vraiment le choix, que tôt ou tard, un concurrent “powered by IA” va rafler la mise et qu’il vaut mieux pour ses salariés de prendre ce plan maintenant, tant qu’il est avantageux, que d’attendre une issue (faillite) inéluctable selon moi. Toute entreprise dont la matière première est la matière grise va être menacée par des concurrents d’un nouveau type, avec peu de ressources humaines, mais qui seront augmentées par l’IA.
Entendez-vous un politique en parler ?
Il y a quelques mois, un changement de paramétrage de notre système de retraite a bloqué une partie de notre pays. La révolution GenAI était à ce moment-là parvenue aux oreilles du grand public, via la sortie de ChatGPT. Pour un pays dont l’économie est basée avant tout sur les services (en grande partie “intellectuels”), l’impact sur celle-ci et sur l’emploi va être phénoménal, avec des conséquences sur le financement de tout notre système.
La question n’était pas quand partir à la retraite, mais comment faire pour financer celui-ci si 20%-30% des actifs sont sans emplois ? Aucun parti, aucun homme politique n’a pris le sujet en main. Quels que soient les cas clients, quels que soient les secteurs, pour un grand nombre de métiers, l’IA générative permet de faire à minima aussi bien que des humains, pour (bien) moins cher. S’il est naïf de dire qu’elle remplacera les humains, il est tout aussi naïf de penser qu’elle n’aura qu’un impact marginal sur l’emploi. Les cas Onclusive vont se multiplier.
Nous ne sommes qu’au début de la vague, un raz de marée arrive et personne n’est prêt.
(*) pas besoin de moyen gigantesque avec des #IA pour faire ça.