Jeunes stagiaires

Posted on Dec 12, 2023

Il y a une dizaine de jours, j’ai participé à la signature d’une convention de partenariat entre le MEDEF avec son président Patrick Martin (et ouais) et l’Association des Parents d’Elèves de l’Enseignement libre (APEL). Ce partenariat a pour but de rapprocher les parents d’élèves du monde des entreprises, et donc les enfants. Evidemment celà fait écho à l’ouverture de stages obligatoires (?*) en classe de seconde, annoncée la semaine dernière par le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal.

Pourquoi étais-je là ?

Nous sommes adhérent au MEDEF depuis peu, car nous pensons qu’il y a un vent de nouveauté qui se prépare (transition énergétique, équilibre vie personnelle - vie professionnelle, IA, et j’en passe) et que pourquoi pas aller voir ce qui se passe du côté de nos homologues chefs d’entreprises. D’autant que ça nous permet de croiser des gens qui ne sont pas de notre milieu, mais qui, on en est sûr vivent les mêmes choses que nous.

Je présentais les actions que nous menons au sein de Coddity pour faire connaître nos métiers aux plus jeunes et en particulier le dispositif que nous mettons en place pour accueillir des stagiaires de classe de 3ème.

Si on met de côté mon avis sur l’IA (voir mes posts précédents), le problème principal de notre secteur d’activité, c’est la pénurie (je mets aussi de côté l’égo de ceux qui y travaillent ), et en rang 2, la très faible proportion de femmes.

Pénurie de gâteaux

Alors comment faire pour traiter ces 2 problèmes ? Pour une entreprise comme la nôtre, la croissance vient des recrutements. Il nous faut recruter chez les autres ou être les meilleurs pour attirer les meilleurs en sortie d’école supérieure. Notre secteur, c’est comme le marché immobilier à Paris, un gâteau à taille plutôt fixe, et donc pour être rassasié, il faut manger (une partie de) la part des autres. C’est la solution court termiste. Mais ce qui reste le plus simple c’est évidemment de faire un gâteau plus grand (oui toujours comme à Paris - des tours de 50 étages régleraient le problème du logement dans cette ville).

Mais comment produit-on un gâteau plus gros dans le recrutement d’ingénieurs ? Vous l’avez compris c’est en allant à la source, planter des graines dans le cerveau de jeunes de 13/14 ans et les projeter dans un secteur / un métier.

Et c’est là que les stages de troisième entrent en jeu.

Autant le dire tout de suite, ces stages sont une très bonne chose. Mais comme toute bonne idée, si elle est mal exécutée, elle est contre productive. Ces stages sont une excellente façon d’introduire le monde professionnel mais demande aux entreprises un effort conséquent pour que l’expérience ne soit pas déceptive.

Stage tabourets à trois pieds

Nous avons “industrialisé” nos stages, en les basant sur un triptyque observation / réalisation / interview. Ce triptyque vise non seulement à faire connaître nos métiers, mais aussi à établir un pont de communication entre l’entreprise et les jeunes, ce qui constitue déjà un problème. Ces derniers n’ont normalement pas de contacts directs avec le monde professionnel avant leur entrée dans l’enseignement supérieur, à l’exception des contrats saisonniers et de l’apprentissage (où la sortie du système éducatif) et de ce que peuvent/veulent en dire leurs parents où leurs professeurs. Et, évidemment, celà pose un problème d’accessibilité en fonction du milieu dont ils proviennent. Et on ne parle même pas du stage en soit, juste d’en trouver un !

Revenons à notre tabouret, voici le détail de ce triptyque

Observation : phase la plus courte possible car nous faisons un métier “intellectuel”. Si vous dites à un ado de 14 ans d’observer un développeur travailler, on repassera sur l’objectif “d’intéresser le jeune” ^^.

Réalisation : après une journée initiale d’apprentissage des bases du développement, nous proposons le développement d’un petit bout de code, quelque chose de simple et accessible, mais qui va permettre 2 choses. La première c’est le sentiment de fierté d’avoir produit quelque chose de ses mains (et de son cerveau). La deuxième, c’est qu’ils/elles vont rencontrer des problèmes, et qu’ils/elles vont se tourner vers les personnes qui pourront les aider, c’est-à-dire les membres de notre équipe. C’est ici que la bascule se fait : Il y a un échange.

Interview : nous organisons 3 entretiens avec 3 salariés de la société, de 3 métiers différents. L’échange est grandement facilité, car la barrière de la communication a été brisée grâce à la phase de Réalisation ou le jeune a déjà pu communiquer avec plusieurs adultes pour résoudre ses problèmes. L’échange porte sur le métier, les études, et le parcours, … Un échange très simple, comme on le ferait avec un cousin.

Notre grande fierté reste l’évolution en 1 semaine : le lundi matin on accueille un jeune qui dit à peine bonjour (un ado quoi), et à la fin de la semaine, quelqu’un intégré à l’équipe qui dit au revoir nommément. Great success \o/ (spoiler : ça ne marche quand même pas à tous les coups).

Investissement collectif

Nous pensons qu’il est important que l’entreprise s’implique le plus tôt possible dans le parcours éducatif. Intéresser les jeunes d’une classe d’âge, consacrer du temps pour leur présenter nos métiers, nos secteurs, ne doit pas être fait pour pouvoir faire un joli post LinkedIn brandé RSE, c’est un investissement dans l’avenir collectif long terme.

Prenons le cas de notre secteur, auto-nommé “tech”. Tout le monde se plaint de la du manque de femme et de sa place dans ce secteur. Mais si on ne va pas dans les collèges en parler et faire de la promo, comment les vocations vont-elles naître ? On peut enchaîner les posts, les conventions, les Meetups, on ne va pas faire sortir de terre des milliers de jeunes femmes comme ça sur demande !

Anecdote personnelle. Lors du passage devant un jury pour l’obtention d’un label RSE, un élu d’une collectivité me demande ce qu’on fait pour garantir la parité dans l’entreprise. Celui-ci avait été un peu décontenancé (peu de points au scrabble) par ma réponse très pragmatique : “je veux bien en recruter mais il n’y en pas. Imposer 50% c’est tout simplement me demander de réduire mes effectifs par 3 et fermer ma boite. Mais si vous pouvez amener sur le marché du travail 50000 femmes ingénieurs de plus, je suis preneur. Vous aurez votre parité.”

J’avais lu que le nouveau plan de déploiement nucléaire allait demander 10 000 nouveaux ingénieurs nucléaires par an (résultat de sous-investissements depuis 20 ans du fait de choix politiciens). Ce nombre représente ¼ du nombre d’ingénieurs formés par an en France. J’espère que des “talent acquisition managers” et “nuclear engineering advocate” font le tour des collèges et des lycées de France pour susciter des vocations !

Conclusion

À travers les stages de troisième que nous organisons chez Coddity, nous cherchons à adresser concrètement les défis de notre industrie, notamment la pénurie de talents et le manque de diversité H/F.

Notre approche est simple : en familiarisant les jeunes avec nos métiers dès le collège, nous espérons susciter des intérêts et des vocations. Ce n’est pas une question de faire bonne figure ou de “gagner des points” RSE, mais de répondre de manière effective à un besoin sectoriel. En impliquant les jeunes de façon tangible, nous créons une opportunité réelle pour eux de découvrir et de s’engager dans des carrières technologiques.

Il s’agit d’une réflexion sur la manière dont nous pouvons, en tant qu’entreprise, contribuer de manière significative à l’orientation professionnelle des jeunes. Cela implique d’être à l’écoute, d’adapter nos méthodes (c’est aussi à nous de nous adapter aux jeunes, car ceux-ci doivent déjà appréhender les codes du monde du travail) et de rester ouverts aux nouvelles idées et perspectives qu’ils apportent.

Vous l’avez compris, c’est un choix réfléchi, guidé par l’obligation/désir d’apporter une solution pratique à certains des enjeux les plus pressants de notre secteur. Nous sommes 35 chez Coddity, et nous arrivons à intégrer une dizaine de stagiaires par an, nous encourageons donc toutes les entreprises, de toute taille à le faire !